J’ai découvert il y a peu le travail de Felipe Pepe, que vous pourrez retrouver ici : The CRPG Book. Évidemment, j’ai sauté dessus instantanément.
Un livre pour les trouver
Ce brésilien a commencé il y a 10 ans un projet faramineux. Il consiste à réunir dans un ouvrage les CRPG (Computer Role Playing Games) qui ont marqué l’histoire du genre depuis 1975 jusqu’à 2019. Il recense pas loin de 400 jeux dans 684 pages.
Le livre est disponible en version physique, dans une magnifique version à la couverture rigide au titre à l’encre dorée. Ne tardez pas trop, peut-être qu’il est disponible pour un temps limité. Qui sait. Vous pourrez également vous le procurer gratuitement en version PDF. Les recettes de la vente du livre physique sont reversées à une ONG brésilienne qui œuvre pour l’éducation et le retour à l’emploi de jeunes brésiliens.
Donc en plus d’être un bel objet au contenu gargantuesque, vous ferez un bon geste en l’achetant !
Bref, je ne suis pas venu pour faire de la propagande, mais il fallait que ce soit dit.
Dans ce livre donc, Felipe et les quelque 167 autres participants à l’ouvrage, des jeux, avec leurs screenshots. Dans la mesure du possible, il décrit également la procédure pour y jouer aujourd’hui. Un bon moyen de découvrir des pépites comme à l’époque. Fait intéressant, au-delà de l’utilité encyclopédique, ils partagent aussi des réflexions plus large sur le jeu vidéo.
Et l’une d’elle est sans aucun doute à l’origine de ce dossier.
Sauvegarde en cours…
En gros, vous l’aurez compris, le travail du CRPG Book est en quelque sorte un travail de sauvegarde. Comme il est dit très justement dans le livre, et comme cela avait également été souligné par les équipes de la Bibliothèque Nationale de France chargées de la conservation des jeux vidéo : comment peut-on traiter la quantité colossale de jeux existants, quand il n’est plus possible d’obtenir une copie du jeu d’origine avec sa machine ?
Quels jeux doivent-ils choisir pour la conservation, sur quel support ? Est-ce qu’il faut tous les conserver, qu’ils soient iconiques ou non, qu’ils soient bons ou mauvais, beaux ou moches ?
De la même façon, il est presque impossible de suivre les sorties de tous ces jeux tant ils sont nombreux. Rien qu’en 2020, c’était un peu moins de 700 RPG qui sortaient. Ce nombre s’élève à 2084 en 2023 d’après Steamspy, un site qui recense les sorties Steam. Et ça, ça ne représente que la bibliothèque Steam, sur PC. Quand est-il si l’on rajoute les jeux qui ne sortent que sur consoles, ou encore, sur mobiles ? J’ai la tête qui tourne rien que d’y penser.
Toi tu vis, toi tu vis, toi tu crèves
Il y a une phrase qui m’a interpellé dans le CRPG Book, que je vous traduit :
En fait, le fossé entre ce à quoi jouent les gens et l’image que l’industrie projette (ndlr: du jeu vidéo) n’a jamais cessé de s’agrandir. – Felipe Pepe
Assez paradoxalement, le jeu mobile est, dans l’industrie du jeu vidéo, probablement la catégorie dans laquelle il existe la plus grande quantité de jeux. Ils sortent à une fréquence toujours plus folle, et rapportent beaucoup d’argent. Beaucoup de studios s’y mettent, voyant la manne financière potentielle, en font la publicité. Pour autant, on veut faire passer la pratique pour marginale. On a un peu honte d’en parler en tant que joueur (pas nous, pas ici). Demandez aux gens à quoi ils jouent. Ils vous parleront sûrement du dernier jeu à la mode, sur PC, ou consoles.
C’est ce qui me ramène au titre de ce dossier. Si l’on devait aujourd’hui, faire la liste des grands classiques du jeu vidéo mobiles, écrire une encyclopédie, de quoi parlerait-on ? J’imagine que des noms comme Snake, Candy Crush, Flappy Bird, Clash of Clan ou Fruit Ninja, ressortiraient. Et il y en aurait sans doute beaucoup d’autres, comme Reigns par exemple (pourquoi pas). Mais est-ce qu’il y a réellement une histoire du jeu mobile ? La réponse est évidemment oui.
D’ailleurs, pour vous, quelle est votre tier list des jeux mobiles ? Je ne me suis moi-même pas posé la question. Ce qui est sûr, c’est que tout en haut, il y aurait Kingdom Rush. Sans hésiter.
On ne peut pas séparer le jeu du support
J’en parlais un peu plus haut, le travail de la BnF à ce sujet est très intéressant. Je me demande tout de même ce qu’il en est en ce qui concerne le jeu mobile. Est-ce qu’ils l’intègre dans leur stratégie de conservation ? Pour le jeu PC et consoles, il existait à un moment donné, des versions physiques des jeux. Évidemment, c’est encore le cas, même si le jeu dématérialisé prend une place de plus en plus importante.
J’imagine qu’il peut être difficile aujourd’hui de trouver des copies de vieux jeux, encore plus les machines pour lesquelles on les a développés. C’est pour cette raison que l’émulation joue un grand rôle. On peut ainsi encore maintenant, jouer à des jeux sorti sur Atari ou Commodore quasiment dans les conditions de l’époque grâce aux émulateurs. D’ailleurs, le CRPG Book vous fournira pas mal de détails à ce sujet. Il y a aussi des jeux qui bénéficient de remaster, mais on sort un peu de la conservation (qui ne concerne en principe que les originaux).
Quand je réfléchis au jeu mobile, quelles sont les solutions ? Par essence, on développe les jeux mobiles pour qu’ils tournent sur smartphones. Sur tablettes à la rigueur. Il n’existe pas de jeux sur cartes SD que vous inséreriez dans votre appareil pour le lancer, comme vous le faisiez sur un Game Boy avec les cartouches.
On me voit, on me voit plus, on me voit plus, on me voit
Pour ajouter à cela, les jeux mobiles sont distribués sur Android et iOS, des stores propriétaires. Il n’est donc pas possible pour tout un chacun d’en récupérer une copie, et d’en faire une sauvegarde pour la postérité. Sauf à le faire de manière illégale. Bon, on pourrait aussi demander à tous les développeurs mobile de la terre de diffuser le code source de leurs créations, mais j’imagine assez bien comment ça pourrait se terminer.
Ainsi donc, alors qu’on a déjà cette limitation technique, se pose encore la question de l’accès à ces jeux sur les store. Si l’on prend l’exemple du tristement célèbre Flappy Bird, même s’il en existe de nombreux clones, le jeu d’origine n’est lui plus disponible au téléchargement.
En l’occurrence, le titre a été retiré par son auteur lui-même, Nguyễn Hà Đông, qui en a en revanche publié le code source (j’ai essayé de le trouver, mais GitHub se noie sous les copies du jeu). Cela est bien la preuve qu’un pan de l’histoire du jeu mobile peut disparaître du jour au lendemain, et on ne pourra rien y faire. Certes, ici, le jeu perdure par ses copies, mais sa version originale, qui est intéressante d’un point de vu historique, elle, n’est plus.
D’ailleurs, si me venais l’idée d’écrire des tests sur ces vieux jeux mobiles dans une rubrique rétro, ce serait sans doute une belle galère (on pourrait toujours en parler de manière nostalgique).
Dans ce dossier j’ai essayé de vous partager un peu ma réflexion sur le sujet, je suis curieux de savoir si ça fait echo chez vous lecteurs, si je suis seul dans mon délire ça me va aussi !